Chaque jour, je m’oblige à faire mon lit et ouvrir la fenêtre de ma chambre dès que j’ai posé le pied par terre. Parfois, je pense aussi à absorber une grande goulée de bon air francilien et un détail propre à ce matin-là. Un gros pigeon qui se prend pour Philippe Petit sur une branche, par exemple, ou de nouveaux fruits dans le garde-manger de mes voisins.
Ce sont les premiers rituels figurant sur ma liste de choses à faire pour ne pas dériver. Tous sont d’une irritante simplicité mais tous nécessitent une mise de départ, un effort. Ranger et nettoyer l’endroit où j’habite ; prendre soin de mes plantes vertes ; me faire de bonnes choses à manger ; faire du sport ; dessiner ; sortir de chez moi pour voir des gens, etc.
Je suis parfois tentée de les zapper parce que je déteste l’effort, mais je le paie cher ensuite. Le vide et les angoisses s’étendent, saletés de mycoses existentielles. Je flotte à côté du réel avec l’impression d’être une astronaute en mission que seul un câble relierait à la station spatiale.
Comme j’ai oublié que j’avais oublié l’essentiel, je me tourne alors vers des palliatifs immédiats et faciles. Je mange je mange je mange : ça comble le gouffre ; je bois je bois je bois : ça enrobe mon cerveau de papier bulle. Ensuite, bien sûr, je me hais, je vais encore moins bien et roule ma poule le cercle vicieux à donf sur la voie de bus, allez je vous emmène à Deauville.
Aller bien ne va pas de soi pour moi. La joie est une plante fragile que je déploie des trésors de discipline à cultiver. Si je m’efforce d’être attentive à elle, oh, comme elle me le rend bien ! La beauté éclot partout sous mes yeux. Si ma vigilance diminue, well…
Je m’efforce de comprendre d’où vient ce réseau mortifère qui irrigue si facilement mon cerveau si je n’y prends pas garde, pourquoi je dois avancer avec tant de déchets toxiques dans le sac à dos. Je commence à saisir, mais je sais que le travail sera long. En attendant, je m’accroche à ma liste et je fais mon lit tous les matins.
Lol. Ça me fait penser à cette pub :
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