Merle : 1 – Ville : 0

Ça faisait un  moment que je n’avais pas posté ici, n’est-ce pas ? Je me demande si des gens lisent encore ce blog. Mais je le maintiens tout de même, parce que c’est ma cabane. 
Bien des choses sont arrivées depuis le 28 décembre 2020. Le 30 décembre, ma mère a fait un AVC hémorragique et le 05 janvier, elle est morte. 75 ans, au revoir.  
Je n’ai pas vu l’année basculer de 2020 à 2021. Le 31 janvier au soir, nous étions hébété•e•s autour de la table de la cuisine, mon père, ma sœur, mon frère et moi.
Le 1er janvier en fin de journée, sur le parking de l’hôpital, mon père frappait sur son volant en pleurant et en hurlant comme dans les films, l’équipe soignante lui ayant fait comprendre qu’il n’y avait rien à espérer ou presque, nous les enfants stupéfait•e•s dans la voiture.
On nous avait demandé de venir le lendemain pour une réunion à 10h avec l’équipe soignante. 
Le 02 janvier à 10h, nous étions donc là, pour entendre le chirurgien nous expliquer de façon pas très claire sur le coup pour nos cerveaux choqués, mais a posteriori limpide, qu’elle ne s’en sortirait pas, ou alors, dans des conditions de vie « pas… pas… ».
Personne ne pouvait cependant nous dire pour combien de temps elle serait encore là.
Depuis le départ, elle était dans le coma. Est-ce qu’elle nous a entendu, senti auprès d’elle ? Est-ce qu’elle a eu peur ?
Ses poumons se sont arrêtés le 05 janvier vers midi et c’était étrange, de poser la main sur son cœur et de le sentir encore battre un peu après que sa respiration avait cessé.  
Ça va bientôt faire 4 mois, maintenant. Moi, je vais bien et je suis entourée. La joie de vivre est toujours là, sauf quand un chagrin sec me casse les pattes sous la forme d’une immense fatigue et d’un trou dans le plexus. Je laisse passer et la vague se retire peu à peu. 
J’ai un petit autel sur mon bureau. Un autel dans un pot de yaourt en verre vide. Il y a dedans un photomaton qu’on avait pris toutes les deux, en 2008, je crois ; des pétales provenant de roses qu’elle avait disposées en bouquet près de la branche de sapin faisant office d’arbre de Noël cette année où on ne pouvait pas être réuni•e•s ; un bout de pendentif new age qu’elle m’avait offert et que je n’avais pas trouvé à mon goût à l’époque ; une petite pierre en forme de cœur que j’ai trouvée par terre après sa mort et une autre aux teintes brun-rouge et miel marbrées de blanc qui me rappellent l’endroit où j’ai grandi ; ce sont des « signes » que j’ai cru recevoir d’elle après sa mort ou qui me font penser à elle. J’en porte d’autres dans mon sac partout où je vais. 
Quand je suis triste, j’allume une bougie. Quand arrive l’anniversaire de sa mort, je vais mettre un cierge dans une Église, puisqu’elle était croyante et que les endroits où les gens vont pour prier m’apaisent moi aussi. 
Elle n’est pas physiquement là et j’ai encore du mal à le comprendre. Il m’arrive encore souvent d’être à la fin d’un boulot ou au début d’une promenade et de me dire « ah je vais appeler maman, tiens ». 
Mais je pense ou me persuade qu’elle est toujours autour de nous, voire qu’elle veille sur nous. À chaque fois que quelque chose de bien arrive à celleux que j’aime ou à moi-même, je dis « Ah, ça doit être maman ! » 
Un jour que je cherchais un papier pour mon père pas très longtemps après le décès, j’ai trouvé une carte que le « Père Noël » lui avait offerte en 2019. Elle représentait la Tour Eiffel, décorée de quelques pelures de crayon gris. Dedans il y avait un mot et une invitation à venir voir la comédie musicale Funny Girl à Paris. J’étais sûre qu’on le ferait en 2020, mais le COVID puis le reste ont fait que jamais nous n’irons voir Funny Girl, ni rien d’autre ensemble.  
Je me suis quand même promis quelque chose. Le soir de mon arrivée chez mes parents après la première visite à l’hôpital, le 31 décembre, j’ai ouvert la trousse de toilette que je garde là-bas et j’y ai trouvé une petite trousse rose nocibé sur laquelle figurait un avion en train de s’envoler et le texte You go, girl! Et à côté de la trousse, un savon senteur mandarine en forme de bonbon.  
Maman ne parlait pas anglais. Je ne sais pas si elle savait ce que voulait dire l’inscription sur la trousse, ou si elle en avait demandé la signification.
En revanche, l’avion veut dire quelque chose. J’avais découvert il y a peu en lui posant des questions sur sa vie, que petite elle admirait les aviatrices et lisait des livres sur elles. 
Je lui avais donc offert une biographie d’aviatrice. 
Elle qui a peu voyagé et jamais toute seule, elle dont je savais qu’elle était parfois inquiète face à mes choix de vie et mes réactions, elle me soutenait, ça je le savais.
Je prends ce You go girl! au pied de la lettre. Je me suis dit que moi qui ai voyagé un peu plus qu’elle mais pas tant que ça, j’emmènerais cette trousse, et ce savon que j’ai utilisé pendant tout le temps où elle était à l’hôpital en espérant qu’elle sache ainsi que j’avais trouvé son cadeau ; j’emmènerai la petite trousse rose dans mes voyages quand ils seront possibles à nouveau si j’ai la chance d’en faire, que ce soit pour aller voir des tableaux au LAM de Villeneuve d’Ascq et boire des bières avec mes ami•e•s de Lille ou pour mettre les pieds pour la première fois sur un autre continent. 
Presque tous les jours, je respire le parfum de cette petite trousse pour me rappeler que je peux utiliser mes ailes. Que non seulement j’en ai le droit, mais presque le devoir.

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